L’interview Egalement Championne Rétro : Sarah Daninthe, escrimeuse, Médaillée de bronze Olympique et double Championne du Monde

1 sarah daninthe avant apres.jpg

Bonjour Sarah. Brièvement et pour les plus jeunes, pourriez-vous revenir sur les grandes lignes de votre carrière ?

Je viens de la Guadeloupe où j’ai commencé l’escrime vers 4-5 ans. Je suis médaillée olympique, double championne du monde. J’ai aussi quelques médailles de coupe du monde, de champions league, de championnat de France...

  

Quel est votre premier souvenir lié à l’escrime.

La pratique de l’escrime vraiment petite dans mon école primaire.

  

Sarah, dans quelles conditions avez-vous commencé l'escrime ? Et pourquoi l'épée comme "arme » ?

Mes parents ont toujours voulu avoir une fille. Ils ont d’abord eu mes trois frères. Puis uns fois arrivée, j’ai un peu « subi » le stéréotype de la mère qui voulait une fille qui fasse de la danse, porte des tutus, des pompons dans les cheveux, etc... Tout ce que je n’aimais pas. Bref, elle m’avait inscrite à la danse bien entendu ! Un jour, ma prof de danse a été malade. Mon frère m’a amené à un de ses cours d’escrime, qu’il donnait à des jeunes entre 6 et 9 ans je crois. Il m’a proposé de l’accompagner. J’ai dit oui ! J’ai adoré voir les autres. J’ai essayé et j’ai kiffé. On a continué tous les mercredi au lieu d’aller à la danse, bien sûre jusqu’à ce que la prof de danse, appelle ma mère !!!

J’ai commencé par le fleuret car à l’époque on commençait par l’arme de priorité. L’épée par choix par la suite, car je trouve très challengeant de faire craquer l’autre psychologiquement, l’amener à faire exactement ce qu’on veut qu’il fasse, tout en lui faisant croire que c’est lui qui en a pris la décision et pour corser le truc, l’épée a ce challenge qui fait qu’on peut être touché en même temps. Donc ça rajoute de la difficulté et j’aime bien ça. Et la touche au pied est une touche psychologique qui fait vraiment mal au moral de votre adversaire quand vous la portez !

  

Intéressée par un autre sport à l’époque ?

Petite je pratiquais plusieurs sports car j’adorais le sport. J’étais très fortes dans les sports de ballon (foot, mais surtout handball et basket-ball). Le sport dans lequel j’excellais était le basket. Je jouais quasi qu’avec les mecs notamment dans les match de street ou les events. Mais en club nous sommes par catégorie de genre, puis d’âge et je devais jouer avec les filles et le jeu était moins rapide. Je me suis du coup plus facilement tourné vers l'escrime.

  

Quelle personnalité vous a inspiré ?

Michael Jordan. Allen Iverson. André Agassi. Marie-José Perec. Lilian Thuram.

 

A quel moment avez-vous pris conscience que vous pouviez remporter des titres internationaux ?

J’ai fait mes 1ers championnat de France à l’âge de 11 ans, où j’ai eu ma première médaille nationale. 5 ans plus tard j’ai vu Laura Flessel qui venait de la Guadeloupe, devenir championne Olympique. A ce moment j’ai compris que c’était possible et que j’allais moi aussi, être médaillée olympique. A force de bons résultats, j’ai été propulsée très jeune en équipe de France où là, j’ai compris que l’international s’ouvrait à moi. Mais de la Guadeloupe ce n’était pas simple du tout !

2 Sarah Daninthe medaille.JPG

Le moment qui a changé votre carrière ?

J’en ai plusieurs, les principaux : 

En tant que téléspectatrice : la victoire de Laura Flessel, championne Olympique aux Jeux d’Atlanta.

En tant qu’athlète, les JO de Sydney en 2000 où j’étais remplaçante de l’équipe. J’avais des étoiles dans les yeux.

Puis les JO d’Athènes, 4 ans plus tard.

Entre le 1er moment où je me dis « je vais le faire" et la médaille, ce sont écoulées 8 ans, pour réaliser mon rêve !

  

Votre plus grande fierté ?

Concernant l’escrime ? Ma médaille olympique mais aussi d’être Chevalier de l’Ordre National du Mérite. J’aime mon pays et être récompensée ainsi en est une fierté !

 

Le moment où vous vous êtes senti le plus fort ?

La plus forte ? Les championnats du monde de Catania en 2011. J’étais prête, en forme. Et quand les mes coéquipières ont perdu, d’un coup j’ai eu, une invasion de mon espace et mon calme par les journalistes français qui avaient fait le déplacement pour les derniers mondiaux de Laura Flessel. ça m’a complètement déstabilisée.

 

Le moment où vous vous êtes senti le plus seul ?

Juste après la non qualification des Jeux de Londres en 2012. On avait galéré pendant toute la qualification. Il nous restait une épreuve, celle à domicile devant nos amis et nos familles. Et on s’est vautrée à une touche, chez nous. C’était l’horreur. 

  

La plus belle victoire de votre vie ?

Mon titre de championne panaméricaine en individuelle à Cuba.

  

Votre meilleur moment sur une piste d'escrime ?

Une belle touche, surtout au pied où l’adversaire a mal psychologiquement, et crier avec rage ! il y a tellement de bons moments. Ils sont souvent liés à cette rage et ensuite à un moment de joie et de partage avec les autres.

  

La plus grosse frustration de votre carrière ?

Ne pas pu avoir fini ma carrière comme je le voulais. J’ai eu un gros accident de voiture un an et demi plus tôt (jeux de Rio en 2016). Une fois sauvée, j’ai eu l’autorisation de reprendre l’entrainement puis les compétitions très tardivement par rapport aux autres qui avaient déjà marqué des points et surtout, j’ai repris avec des souffrances atroces, sans jamais retrouver mon niveau d’avant l’accident. ça a été un vrai coup dur, ça ! Mais après le neurologue m’a aussi aidé à relativiser en me faisant très clairement comprendre que j’avais quand échappé bel par rapport à cet accident !

3 Sarah Daninthe conference facebook.jpg

Ce que vous avez fait de plus fou sur une piste d'escrime ?

Etre à 3 secondes à peu près, mettre le feu et mettre une touche au pied tout en entendant mon entraineur crier, « laisse tomber » pensant prendre la minute de récup !

 

La chose la plus improbable qui vous est arrivée sur une piste d'escrime ?

Un arbitre qui se trompe mais ne dit rien pendant l’assaut. Puis à la fin de l’assaut, pensant que nous étions à égalité, vient me dire « je suis désolé, je me suis trompé ». Moi, pendant ce temps, je suis perdante alors que sou étions à égalité.

 

Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Je suis plutôt contente de ma carrière. je ne suis pas allée totalement où je voulais mais je suis fière d’avoir pu vivre ces moments, d’avoir représentée la Guadeloupe, la France et d’avoir des choses à partager aux plus jeunes aujourd’hui mais aussi aux parents, aux coachs et aussi aux collaborateurs d’entreprises que j'accompagne.

 

Quel est votre rêve inassouvi ?

Mon rêve inassouvriiII… mon rêve n’est pas un rêve forcément personnel mais c’est plus de mixité de genre, de couleur de peau, de sexualité etc... Au début j’allais répondre une femme Présidente de la République française, mais finalement, je dirai, une personne noire, ne se considérant ni en tant que femme, ni en tant qu’homme, mais née femme, Président.e de la République française.

 

Une rencontre qui vous a marqué ?

Comme d’hab, je ne sais pas donné qu’une réponse.

Dans la tech : Roxanne Varza et Aurélie Jean. Ce sont des femmes de la tech qui participent au changement du monde notamment pour les femmes dans la tech et les biais.

Dans le sport: Donovan Bailey avec qui j’ai bu un verre pendant les JO, Marie-José Perec qui m’a fait vibré jeune et le Président, Jacques Chirac qui a reçu les médaillés Olympiques des JO d’Athènes et les as décoré en tant que Chevalier de l’Ordre national du Mérite. Un moment extras !

Dans la politique: Qu’on l’apprécie ou pas, la Maire de Paris qui concrètement est une femme qui évolue dans un milieu d’hommes et qui doit se faire entendre et respecter.

 

La décision de carrière que vous regrettez ?

Je n’ai pas regret sur mes choix de carrière.

4 SARAH.JPG

Votre arrêt de carrière ?

Mon arrêt était programmé mais ne s’est pas passé comme prévu. Comme beaucoup on a envie de finir sur de bonnes vibes. Ca a été différent pour moi. J’ai eu un accident de voiture grave deux ans avant les JO de Rio, mon dernier objectif sportif. J’ai été arrêtée plus de 6 mois, j’ai souffert le martyre. J’avais tout le temps mal, aucun répit ; ça rendait dingue. Mais une fois que j’étais sortie d’affaire, les médecins m’ont donné l’autorisation de reprendre le sport mais je n’ai jamais retrouvé mon niveau de départ, donc encore moins dans les dispositions pour effleurer le doux rêve d’une qualif olympique.

Sur le coup c’était dur, sévère. J’avais de la colère. L’impression que ce mec qui roulait extrêmement vite, en regardant son téléphone, m’avait volé ma fin de carrière sportive et voir même ma carrière dans le digital face à un écran. Je le vivais mal, mais en fait, quand le neurologue m’a fait comprendre que ma vie aurait pu être totalement différente (j’aurais pu perdre l’usage de mes jambes) et que j’aurais pu être handicapée (fatigue visuelle rapide derrière un ordinateur). Donc quand il m’a expliqué que je m’en sortais bien, j’ai arrêté de lutter et je me suis sentie plus légère. 

  

L’après-carrière.

Evolution dans la tech. J’ai bossé dans le CRM, la data science surtout dans le sport avec comme clients le PSG, le LOSC football, l’AS Monaco, les 24h du Mans, l’Accor Hotel Arena, la Seine Musicale & d’autres.

J’ai enchainé avec de la Growth strategy et du Product management.

J’adore ces deux métiers et suis ravie d’y bosser pleinement et à mon compte aujourd’hui. J’ai des clients essentiellement dans le sport tech, fan experience, mais aussi dans la food tech, une néo banque, la beauty tech où je teste les produits et trace une roadmap produit en y apportant mon expertise en design thinking aussi & UX, mais aussi de la growth strategy pour amener les potentiels clients à découvrir le produit, l’aimer, utiliser l’application ou le service, et en parler autour d’eux.

C’est varié et très riche !

 

L'épéiste actuelle qui vous ressemble le plus ?

Dany Jerent pour son expansivité, la richesse de son jeu, ses déplacements son attitude ; bon je reconnais que je l’adore ce jeune !

  

Quelle place occupait le sport dans votre jeunesse ?

C’était fondamental. Je jouais souvent avec mes voisins au foot mais surtout au basket. Une accro du basket. Je faisais du BMX aussi. Puis je me suis inscrite au basket, au hand, à l’escrime. J’ai toujours beaucoup pratiqué, heureusement car j’aurais vraiment fatiguée mes parents sinon .

  

Et maintenant ?

Le sport est moins présent mais il l’est toujours. Je suis tous les escrimeurs, surtout français. Je regarde aussi les autres sports et je pratique pour l’entretien physique.

 

C’est quoi 24 heures avec Sarah Daninthe aujourd’hui ?

Réveil tranquillou, pas de téléphone et pas de notification. Etirements, méditation, yoga, muscu. 

Petit dej. je me prépare. 

Je bosse 2h à fond sans être dérangée. Ensuite je bosse avec des clients et sur mes sujets jusqu’à 18H.

Entre midi & 14h et le soir après 20H, je co-anime des rooms sur le sport, la data science, la fan expérience sur Clubhouse.

 Je fais une pause de 30'

A partir de 18h, Je gère ma veille, je lis, je prépare mes conférences jusqu’à 19.30-20H. Je prends 5’ pour organiser ma journée du lendemain.

A un moment dans la journée, Je prends du temps pour moi. Je vis non loin du bois de Vincennes, donc quand il fait beau, je m’y promène un peu ou je fais un tour à moto. 

Le soir je souffle un peu, et matte un peu la tv le soir. 

Le vendredi, je passe mes calls, mes visio, mes tests, je contacte mon réseau etc. J’aide des plus jeunes, des assos ou petites boites à s’en sortir.

 Le samedi je bosse le matin.

5 Sarah Daninthe conference.JPG

Le meilleur conseil que l’on vous a donné ?

Fais-toi confiance et aies confiance.

 

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?

Il y en a trois. Voire 4 en vrai.
Mon 1er entraineur de club quand j’avais 5 ans et que j’étais timide à l’époque, Rudy Plicoste.
Jacky Reilhes, mon entraineur de pôle en Guadeloupe qui m’a révélée et m’a permis de m’affirmer sur le plan national puis international.
Michel Sicard car pour moi c’est le meilleur entraineur/humain qui soit donné à un athlète.
Stéphane Riboud, m’a aussi marquée à l’INSEP ; il a cru en moi et m’a amené à exploser à un championnat du monde précisément, Catania. Mais ça s’est mal passé pour moi, comme évoqué plus haut.

 

Une phrase d’entraîneur qui restera gravée ?

Une assez con mais fréquente dans le sport, il se reconnaîtra d’ailleurs : "Allez ! Les couilles par terre. allez on y va, on se fait mal !" Euuuh Même les femmes mettent les couilles par terre ??

Le/la partenaire qui vous a le plus appris ?

Maureen Nisima sans hésitation. Ma petite sœur, une confiance et une communication au poil… même encore maintenant.

Et Sangita Tripathi aussi, plus sur le côté humain. Notamment qu’on n’a pas besoin de détester notre adversaire pour réussir dans le sport de combat, par ex.

 

LE conseil à donner à un jeune ?

Le process n’est pas simple. Il faut travailler. S’accrocher. Bien s’entourer et se faire confiance !

Oui tout ça c’est un seul et même conseil.

6 Sarah Daninthe medaille equipe.JPG

Un sportif qui vous inspire actuellement ?

Enzo Lefort, escrimeur pour lequel j’ai énormément d’estime et avec qui j’aimerais bien faire quelque chose dans le design pour servir les jeunes de notre ile, la Guadeloupe (j’y pense depuis des années)

Sara Ourahmoune, la boxeuse qui se bat et s’investit pour son sport la boxe et qui change l’image de ce sport, de la femme dans le sport etc...

  

L'épéiste actuelle que vous aimeriez affronter ?

Euh non 🤭🤣🤣 🤣, je n’aimerais pas. Ca fait 4 ans que je suis retraitée et j’aime bien cette nouvelle vie !

 

L’anecdote que vous n’avez jamais osé raconter ?

Je n’ai pas de non-dit donc..Euuuh, non !

  

Votre livre de chevet ?

Pareil je fais plusieurs choses à la fois, je lis aussi plusieurs livres en même temps. en ce moment je lis un de mes idoles, Andre Agassi. Je lis aussi "L'assignation : Les Noirs n'existent pas" de Tania de Montaigne que je recommande. "Nous habitons la Terre" de Christianne Taubira.

 

La question que vous auriez aimé que je vous pose ?

Qu’est-ce que le sport t’a amené dans ta profession ?

Que penses-tu faire pour ton île notamment sur le sport ?

7 sarah daninthe emission  sportifs sont ils condamnes a devenir des banques de données1.jpg

Site Internet

 

http://www.sarahdaninthe.com

 

Réseaux Sociaux

 

Facebook : https://www.facebook.com/SarahDaninthePro

 

LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/sarahdaninthe-product-manager

 

Instagram : https://www.instagram.com/sarahdaninthe

 

Twitter : https://twitter.com/sarahdaninthe

 

Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/user/sarahdaninthe

 

 

Allez les Françaises, Allez les Français – Avril 2021

Photo mise en ligne avec l’accord de Sarah Daninthe

Pour tous litiges merci de nous contacter.

 

 

Découvrez toutes nos interviews